Adapté de l’article "Illusionary Progress in Loyalty Programs".
Comparez les programmes de fidélité de ces deux magasins :
“Gagnez 10 points pour chaque euro dépensé, et obtenez un bon d’achat de 6 euros lorsque vous atteignez les 1 000 points”,
ou
“Gagnez 1 point pour chaque euro dépensé, et obtenez un bon d’achat de 6 euros lorsque vous atteignez les 100 points”.
Bien que les deux programmes exigent de dépenser le même montant (soit 100 euros) pour obtenir la réduction de 6 euros, ils entraînent des réactions différentes de la part des consommateurs, souligne Rajesh Bagchi, dont l’étude sur les perceptions des consommateurs envers les programmes de fidélisation, a été publiée dans le Journal of consumer research.
“Malgré l’importance qu’ont pris les programmes de fidélité dans les commerces, nous en savons peu sur la façon dont les différents éléments composant un programme de fidélité peuvent affecter la perception des consommateurs sur celui-ci après leur inscription, et l’adhésion n’est pas un gage de fidélité.”
Des études ont montré qu’aux États-Unis moins d’un quart des membres inscrits à un programme de fidélité obtiennent des récompenses. D’autres études ont par ailleurs démontré que plus les consommateurs étaient proches de la récompense, plus ils redoublaient d'effort pour l’obtenir.
D’après Bagchi, les résultats de ses recherches peuvent aider les entreprises à concevoir des programmes de fidélité plus efficaces. De temps en temps, les entreprises font des changements au niveau de leur programme de fidélisation, mais elles ne peuvent pas connaître les réels effets de ces ajustements sur les consommateurs. La plupart des cartes de fidélité permettent de gagner des points en fonction des achats effectués (selon la catégorie de produits par exemple).
En fonction des programmes, plus ou moins de points sont nécessaires pour avoir accès aux récompenses. Parfois, différents niveaux de fidélité (elite / premium / platine / or ) sont créés, avec des avantages différents en fonction du statut du consommateur, sur la base d'un certain nombre de points gagnés par période pour ce niveau.
“Tous ces facteurs peuvent influer sur la perception de progrès vers la récompense qu’ont les consommateurs, et donc affecter leur fidélité envers l’entreprise”.
Les programmes de fidélité comprennent deux éléments clés : les points gagnés par euro dépensé, ce que Bagchi appelle l’"ampleur de l’étape” (“Step size”), et le total de points nécessaires pour obtenir la récompense, ou la “distance de récompense” (“Reward distance”).
- Comment ces deux éléments influent sur les perceptions de progrès qu’ont les consommateurs sur les programmes, sur leur fidélité et sur leur propension à recommander l’enseigne ?
- Les consommateurs prennent-ils toujours en compte ces deux éléments lors de leur évaluation ?
- Quel est le rôle, le cas échéant, joué par “l’ampleur” globale du programme? (Un programme de magnitude supérieure a de grandes distances de récompense et de grandes ampleurs d’étapes ; un programme de magnitude inférieure a de petites distances de récompense et de petites ampleurs d’étapes).
Alors que le rôle de la distance jusqu’à la récompense dans l’affectation du comportement des consommateurs a été étudié, l’influence de “l’ampleur des étapes”, elle, n’a pas encore été examinée de plus près, dit Bagchi. Nous introduisons le concept “d’ampleur des étapes” et démontrons que les étapes de plus petites ampleurs peuvent faire que les petites distances de récompense apparaissent grandes.
La vitesse à laquelle semble s’accumuler les récompenses dans l’esprit des consommateurs va varier selon l’élément sur lequel ils se concentrent : “l’ampleur de l’étape” ou la “distance de récompense”, ou bien les deux à la fois.
Dans un programme de grande ampleur, la distance de récompense parait vraiment très importante pour les consommateurs, et encore plus pour ceux qui s’en approchent (ceux qui sont à 800 points alors que 1 000 points sont demandés) car ils ont la sensation d’avoir beaucoup plus progressé que ceux qui ont seulement 200 points.
Dans un programme de faible ampleur, la réciproque est vraie : les consommateurs estiment que la distance de récompense est petite et qu'il y a peu de différence entre 80 et 20 points, de sorte que ceux qui sont plus près de la récompense ne sentent pas qu'ils ont fait plus de progrès que ceux qui en sont loin.
“Les consommateurs intègrent alors l’ampleur de l'étape et la distance de récompense dans leur réflexion, mais ils le font partiellement, ce qui reflète encore une fois l'incapacité de l'Homme à considérer une grande quantité d'informations à la fois dans leur prise de décision” dit Bagchi.
Ainsi, quand l’ampleur de l’étape est simple à comprendre, une grande distance de récompense donne l’impression aux consommateurs que l’objectif à atteindre est loin : mais au lieu de calculer le pourcentage de la récompense, ils se basent sur l’ampleur de l'étape pour former des conclusions rapides. “Quand la distance de récompense est grande, l’ampleur de l’étape est aussi grande. La très grande ampleur de l’étape fait que la récompense apparaît comme plus facilement atteignable, et ainsi, ceux qui sont proches de la récompense n’ont pas l’impression d’avoir fait plus de progrès que ceux qui en sont loin”, dit Bagchi. “Quand la distance de récompense est petite, l’ampleur d’étape est proportionnellement petite. Mais ces toutes petites étapes font que la distance apparaît longue et ainsi, ceux qui sont tout près de la récompense ont bien la sensation d’avoir fait beaucoup plus d’effort que ceux qui sont plus loin”.
Les perceptions qu’ont les consommateurs sur les progrès qu’ils font pour atteindre leur récompense, dit Bagchi, affectent non seulement leur fidélité, mais aussi la manière dont ils vont recommander le programme de fidélité aux autres. Il précise qu’il peut donc être bénéfique pour les entreprises de construire des programmes de fidélité qui donnent aux consommateurs un sentiment favorable sur leur perception de progrès.
Bagchi dit que ses résultats ont d’importantes implications dans d’autres contextes. "Quand on a des objectifs de perte de poids ou bien d’épargne financière, où les perceptions de progrès influencent la poursuite ou non de l’objectif. Dans un contexte de perte de poids par exemple, les différents systèmes de numérisation (kilogramme VS livre) avec différentes ampleurs d’étapes et d'objectifs de distances correspondants peuvent être évalués différemment par les consommateurs, selon que l'attention est sur l’ampleur de l’étape, la distance qui sépare de l’objectif, ou les deux".